L’intelligence artificielle est une technologie dont on va vous parler pendant quelques années comme on aurait parlé de l’apparition des premières voitures dans les journaux de l’époque. Même si l’intelligence artificielle n’a pas cette capacité physique à nous mener d’un point à un autre, elle a cependant la capacité de nous
« parler » et surtout de nous
influencer. Sans circonscrire l’intelligence artificielle à la seule technique qui consiste à imaginer un texte le plus probable ou une image à la suite d’une question ou d’un scénario donné, cet aspect de l’intelligence artificielle demeure à la fois le plus
fascinant et le plus
inquiétant. De la même manière que l’on a placé des policiers sur la route pour vérifier si les automobilistes utilisaient leurs véhicules de la bonne manière, verra-t-on émerger des
cyber-gendarmes ? Mais avant de parler de répression et de prévention des actes délictueux, subsiste une question de forme, l’intelligence artificielle devrait être conçue et utilisée comme un véhicule que l’on achète et que l’on utilise comme un bien privé ou devrait-elle plutôt constituer une
infrastructure publique comme le réseau routier que l’on emprunte pour se déplacer ?
On a d’un côté des sociétés comme
Microsoft ou
Apple qui maintiendront leur « tout privé » pour garantir leur hégémonie sur leur production et tirer le profit maximal. Ce concept est inclus dans leur politique de produit depuis leurs créations respectives. D’un autre côté, on a des acteurs tels que les
Chinois qui ont une culture du bien intellectuel commun ou même l’un des pères du deep learning,
Yann Le Cun, militant pour un
espace technologique ouvert qui permettrait à tous de pouvoir faire tout et n’importe quoi (surtout n’importe quoi :-) ).
Alors faut-il ranger l’intelligence artificielle du côté des applications privées ou publiques ?
Certains pourront dire qu’une technologie privée offre plus de contrôle car le nombre d’acteurs à contrôler est réduit. Si un Microsoft s’amuse à inclure un programme influençant les élections américaines dans son intelligence artificielle, on « devrait » être en mesure de le déceler. Cela dit, l’affaire
Cambridge Analytica nous montre qu’il n’est pas aussi simple de comprendre se qui se passe en coulisse des grandes entreprises. Mais il est vrai que dès lors qu’un lièvre est levé, on sait sur qui taper.
Une intelligence artificielle publique pourrait être une infrastructure dont on se servirait comme on se sert des langages web aujourd’hui et qui sont pour majorité des langages ouverts. Si on utilise des outils publiques pour développer des sites en HTML ou en CSS, pourquoi ne ferions-nous pas la même choses avec des
robots générateurs de textes par exemple ?
L’intelligence artificielle n’est pas qu’un outil dont on se sert pour produire et un autre aspect s’ajoute à la problématique du
public VS privé : que fait-on de la production ? Doit on définir que les productions réalisées à l’aide de l’intelligence artificielle ne sont pas soumises aux
droits d’auteur et que leur réutilisation est libre ou doit-on définir un auteur qui aura un droit de regard sur sa production ? et cet auteur n’est-il que la personne qui a entré la question ou est-ce que l’entreprise qui aura développé l’intelligence artificielle aura également un droit de regard ?
À travers ce questionnement, il est difficile d’orienter le débat vers l’une ou l’autre des directions qui ne sont d’ailleurs pas exclusives l’une de l’autre. On comprend facilement que le débat est d’ailleurs bien plus profond et qu’il comprend un ensemble d’acteurs assez large.
Compte tenu de la dimension internationale de la question de l’intelligence artificielle, il serait de bon ton de laisser des acteurs expérimentés sur les questions internationales telles que l’
Unesco ou l’
Union européenne proposer des directions à suivre. La responsabilité de l’intelligence artificielle ne relève pas que de quelques entreprises ou même que de quelques états. De plus, avec la rapidité à laquelle les entreprises développent leurs technologies, il y a lieu de laisser les acteurs légitimes proposer un environnement législatif et surtout d’admettre le fait que la législation peut se modeler et s’adapter tout aussi rapidement.